Intervention AG du 16/11/2011

14-12 2011|0 Commentaire

Nous avons déjà évoqué les trois principaux buts de la Compagnie :

l° – représenter ses membres auprès des magistrats
2° – garantir le respect des règles de déontologie
3° – améliorer la qualité de l’expertise

Pour les satisfaire nous menons diverses actions qui s’inscrivent dans la durée et dont les enjeux se situent à moyen et long termes.
C’est pourquoi je reprendrai là où nous en étions resté l’année passée.

Je vous avais parlé de l’affaire PENARROJA…

… ce traducteur espagnol dont la cour de Montpellier avait refusé l’inscription en 1991, sans motif, et qui avait fait un recours auprès de la Commission européenne… sans pour autant obtenir gain de cause, cela avait déjà eu pour conséquence de faire modifier le décret du 23/12/2004.

En 2008 M. PENARROJA a fait une nouvelle demande d’inscription près la Cour d’appel de Paris qui lui a refusé, sans motif, et auprès de la Cour de cassation qui lui a refusé également au motif qu’il n’avait pas été inscrit dans une Cour d’appel.

M. PENARROJA a fait appel devant la Cour de cassation, au motif que :

–          ses qualifications professionnelles permettent à un ressortissant d’un état de l’union d’accéder dans un autre état membre à la même profession que celle dans laquelle il est qualifié dans son pays d’origine

et que

–          la libre prestation de services permet à un professionnel de fournir une prestation dans un autre état, sans que cet état ne puisse poser de restrictions

 La Cour de cassation n’a pas voulu statuer avant d’interroger la Cour de justice européenne pour dire si l’expertise :

–          est une prestation de services… auquel cas il ne peut y avoir de monopole qui se concrétise par une « liste d’experts »

OU si l’expertise :

–          est une activité qui participe dans un ETAT à l’exercice de l’autorité publique… auquel cas elle est exclue de ces champs d’application

 La Cour de justice de l’union européenne s’est prononcée par arrêt du 17/03/2011.
Que dit-elle ?… en substance :

1) Une mission confiée au cas par cas par une juridiction à un professionnel en qualité d’expert judiciaire traducteur constitue une prestation de services.
2) Les activités des experts judiciaires dans le domaine de la traduction ne constituent pas des activités participant à l’exercice de l’autorité publique.
3) L’arrêt s’oppose à une réglementation nationale en vertu de laquelle l’inscription sur une liste d’experts judiciaires traducteurs est soumise à des conditions de qualification sans que les intéressés puissent obtenir connaissance des motifs de la décision prise à leur égard et sans que celle-ci soit susceptible d’un recours de nature juridictionnelle.
4) L’arrêt s’oppose à l’exigence dont il résulte que nul ne peut figurer sur la liste nationale des experts judiciaires en qualité de traducteur s’il ne justifie de son inscription sur une liste d’experts judiciaires dressée par une cour d’appel pendant trois années consécutives, dès lors qu’il s’avère qu’une telle exigence empêche l’examen d’une demande d’une personne établie dans un autre État membre et ne pouvant justifier d’une telle inscription.
5) Les missions des experts judiciaires traducteurs effectuées par des experts inscrits sur une liste telle que la liste nationale des experts judiciaires dressée par la Cour de cassation ne relèvent pas de la notion de « profession réglementée ».

C’est donc très clair. C’est la victoire de l’idéologie du libre échange.
Suite à cet arrêt la Cour de cassation s’est prononcée.
Par deux arrêts en date du 29 septembre 2011, elle annule les décisions de refus d’inscription de Monsieur PENARROJA en raison de l’absence de motivation des décisions de refus d’inscription.

Les arrêts de la cour de Cassation ne remettent pas en cause l’existence des listes tout en sanctionnant le défaut de motivation.
Il appartiendra éventuellement à Monsieur PENARROJA de reprendre sa demande d’inscription qui pourra alors faire l’objet d’une décision d’admission ou de rejet qui, en tout état de cause, devra être nécessairement motivée.
Si cette décision ne concerne pour l’instant que les experts traducteurs il semble que les principes dégagés par la Cour européenne induisent de larges refontes pour les experts.

Par exemple, les critères sur la base desquels sont constituées les listes ne peuvent qu’être remis en cause dans la mesure où le lieu d’exercice professionnel du demandeur crée une discrimination à l’égard des professionnels des autres états membres.

C’est pour cela qu’une proposition de loi relative aux experts judiciaires a déjà été présentée par Olivier JARDE, député et expert.

J’ai l’impression que son objet principal est de sauver les listes et pour cela elle se propose de mettre la réglementation française en conformité avec les exigences et constats posés par la Cour de justice de l’Union européenne Mais les concessions envisagées seront-elles suffisantes pour concilier deux idéologies divergentes.

Plus précisément il est proposé que la loi intègre les prescriptions suivantes :
– les missions sont des prestations de service
– un expert de justice est un professionnel justifiant des qualifications requises
– un expert de justice est un professionnel capable de démontrer ses compétences et expériences acquises auprès de cours suprêmes en France et dans tout autre état membre de l’Union
– les seules conditions requises sont la compétence, l’expérience et la moralité du candidat
– l’expert est un collaborateur occasionnel du service public de la justice
– à l’expert judiciaire on substitue expert de justice avec deux listes distinctes l’une pour l’ordre judiciaire, l’autre pour l’ordre administratif.

… concilier prestation de service et collaborateur occasionnel de la justice ?
Les éléments vous ont été adressés à ce sujet… en parler à votre député…
Personnellement je n’en ai parlé à mon député… que je connais pas d’ailleurs… et aussi parce que je ne crois ni à la revendication, ni à l’opportunisme.

D’après certains échos d’ailleurs, cette proposition serait déjà enterrée.
Comme vous pouvez le constater cette affaire n’est pas terminée, et elle aura des conséquences d’autant que la lutte internationale pour imposer des modèles juridiques et idéologiques est bien présente et demain ne sera pas comme aujourd’hui… quoi que.
Il faut que tout change pour que tout reste comme avant… pour reprendre Lampedusa.
Il faut donc prévoir les mutations pour être prêt le jour J.

Pour ce qui concerne ce sujet, nous tentons pour l’instant d’aider au mieux la Cour pour la désignation des nouveaux experts.
Ne sommes nous pas les mieux placés pour apprécier les critères de compétence et d’expérience, sur lesquels la Cour peut s’appuyer, d’autant plus qu’il lui faudra prochainement justifier les refus.

Nous avons amélioré nos grilles d’évaluation, à cet effet.
Je vous rappelle que la politique de la compagnie est claire à ce sujet.

Ne reçoivent d’avis très favorable que ceux qui sont légitimes, c’est à dire des professionnels architectes, maître d’œuvre, et non les diplômés qui ont choisi des activités de substitution… et Dieu sait que les dossiers de ce type sont nombreux et que le niveau moyen des postulants est faible.

Nous sommes suivis par la Cour.

Cette année nous avons délivré sept avis très favorables.
Six de ces sept candidats ont été retenus par la Cour.

Quant au malheureux septième, il allait avoir 70 ans en 2012…

Encore une fois nous n’avons qu’un levier : c’est la défense d’une expertise de qualité.

…et dans ce contexte, nous poursuivons les voies que nous développons depuis plusieurs années.

LES ATELIERS-DEBATS

…dont nous avons augmenté le nombre et pour lesquels nous nous efforçons de trouver des intervenants de qualité.
Chacun est convié à se manifester et à proposer des thèmes et des conférenciers.
Je pense que ces ateliers-débats connaissent un succès d’estime et on peut se féliciter de la participation qui oscille entre 40 à 50% des membres de la Compagnie.

LA CERTIFICATION

L’année dernière nous réfléchissions avec l’AFNOR à la certification combinée ISO 9001 qui traite du management, de l’organisation, des processus, et la NFX 50/110 qui soumet le rapport à l’esprit critique, et valide l’attitude rationnelle et la pensée analytique qui se fonde sur des faits objectifs et analyse les liens de causalité.

Si la CEACC a organisé récemment un colloque sur l’application des critères DAUBERT, ce n’est pas un hasard.
La NFX 50/110 c’est une façon de tuer l’expert d’opinion.

Alors si vous refusez de croire que l’expert est un prophète, engagez-vous !

Un « intergroupe » des certifiés a été constitué qui travaille à la mise en place de procédures en relation avec l’AFNOR.
Les premières démarches sont désormais opérationnelles et l’analyse croisée de rapports a débuté.

Un atelier-débat sur la certification se tiendra le 28 mars prochain en collaboration avec des avocats et avec différents intervenants tels l’AFNOR, mais aussi avec le Tribunal de Commerce.
Un article collectif doit être rédigé qui paraîtrait dans la revue EXPERT… avec l’appui de…

 
WIKIARCHEX

Qui est enrichi régulièrement  mais qui demande à être soutenu, le sujet étant de transmettre les acquis pour les mutualiser.
… Que nous n’ayons pas tout à réapprendre à chaque génération.

LA DEMATERIALISATION

C’est un projet difficile et délicat à mettre en œuvre, non pas techniquement mais politiquement.
Une expérience est à l’œuvre à Bordeaux, assez opaque, qui nécessite l’acquisition préalable d’un certificat vendu par une filiale de groupes bancaires et parabancaires, et qui pose des problèmes de coût et de lourdeur de fonctionnement.

Nous nous sommes rapprochés de la Compagnie des Ingénieurs et en accord avec le TGI de PARIS nous avons eu des échanges avec le barreau qui a mis en place le RPVA.
Après ces échanges nous avons décidé de proposer la voie de la simplicité, de la souplesse.

Il s’agit d’une plate-forme mise au point par Net Explorer sur laquelle les dossiers d’expertises dématérialisés sont accessibles à tous les intervenants de l’expertise, avec un coût global de 29,00 €/mois pour 5 Go + 90,00 €/an pour être en https.

Elle a d’ailleurs été testée par André AMYOT, qui est ingénieur, et lui donne entière satisfaction.

Pour l’instant il n’y a pas d’échange sécurisé envisagé avec les Tribunaux, mais c’est tellement compliqué, cher et en fait sans grand intérêt, que nous préférons attendre.
Ce n’est pas le sujet primordial.

L’important est de mettre un outil à la disposition des experts pour leur permettre de se familiariser avec la dématérialisation.
Car si le monde connecté a été une menace pour les cols bleus face à la concurrence d’un réservoir de main d’œuvre bon marché, le monde hyperconnecté défiera demain, de la même manière, les cols blancs.

Demain le terme externalisation sera dépassé. Plus rien ne sera externe. Il n’y a plus ni dedans ni dehors, il n’y a que du mauvais, du bon, du mieux, du meilleur.
Il s’agit là d’un point d’inflexion essentiel qui est à la fois un défi et une chance.
Nous communiquerons prochainement de telle sorte que chacun pourra s’initier et mettre en place cet outil.

 
Parmi les axes stratégiques de nos actions, les ECHANGES AVEC LES MAGISTRATS sont toujours en bonne place.

 Notre compagnie est représentée auprès
– du comité pédagogique où l’on aborde la question de la formation permanente
– du comité de suivi où l’on aborde les relations avec les tribunaux
– du comité de réinscription où l’on étudie les dossiers des experts en fin de période quinquennale et probatoire.

Je crois que notre Compagnie se distingue :
            – l’encadrement des nouveaux experts… à ce sujet atelier-débat le 14 décembre…
            – les disponibilités… à ce sujet observations des ingénieurs… mais aussi de Bobigny…

 

L’objet de la Compagnie n’est-il pas tout simplement de permettre à ses membres d’être plus forts. Je crois que s’il ne fallait retenir qu’un seul but, ce devrait être celui-là.
Et si un jour il n’y avait plus de liste, si les catégories protégées disparaissaient au nom du libre échange, elles se reconstitueraient sous une autre forme.

la nôtre est déjà constituée qui serait en concurrence avec celles d’autres organismes nationaux… multinationaux… financiers…
Vous comprendrez l’intérêt de prévenir en se structurant avec la certification, la dématérialisation…être plus fort.

Voilà pour le positif, mais ce n’est jamais qu’un travail qui s’inscrit en continuité des actions précédentes des anciens présidents et vice-présidents, de ceux qui œuvrent…

…c’est un travail de longue haleine et d’engagement car les enjeux nécessitent un travail en commun.
… ce qui exige des volontés, des énergies,…

Alors à propos d’énergies, je me représente certes, mais après avoir pris acte des réserves et des réticences des uns et des autres pour assumer la charge de Président.

… il est vrai que cela exige de la disponibilité, et je pense un certain goût pour les idées, un certain détachement pour la dimension économique…

Et ce sera là ma conclusion…

Dans l’associatif la présidence se prépare, le Président doit émerger comme une évidence, bien avant les élections.
J’invite les membres de la Compagnie qui ont cette volonté et ces dispositions à se manifester.
On est élu pour trois ans, mais si vraiment un membre de la Compagnie est prêt à la servir, il lui faut déjà qu’il s’y prépare… et le Conseil est ouvert à tous les membres, ce n’est pas une place forte.

Je vous remercie de votre attention.