BILLET n° 181 – PISCINES TOURNESOL, BERNARD SCHOELLER ET MATRA DIP (1/4)
Quand l’architecte Bernard Schoeller (1929-2020) participe, seul, au concours des « 1000 piscines » lancé en août 1969 par le secrétariat d’Etat à la Jeunesse, aux Sports et aux Loisirs, il travaillait dans l’agence des frères Luc et Xavier Arsène-Henry. Bernard Schoeller, également ancien élève de l’Institut d’urbanissme de Paris, dirigeait d’importants programmes d’urbanisme ainsi que des logements sociaux liés à la filière industrielle. Il est un des précurseurs des logements « modulables », avec plans et façades adaptables à la demande des habitants, inspirés des expériences menées en Suède à la fin des années 1970 sur les logements transformables. Dans cette agence, cette année-là, il travaillait sur la tour Aquitaine de la Défense ainsi que sur la piscine de plein air de Nemours.
Il remporte en décembre 1969 le 1er prix pour les deux programmes des « 1000 piscines », piscine transformable et piscine économique. A la suite de ce succès , il rompt l’association avec les frères Arsène-Henry pour créer sa propre agence, et il réalisera 183 piscines municipales découvrables « Tournesol » à travers la France entre 1971 et 1982.
Parallèlement à la réalisation du programme des piscines « Tournesol », son activité pour l’urbanisme et le logement social ne se relâche pas, et cherchant une alternative aux rigides schémas urbains se résumant aux tours et aux barres, il s’intéresse aux expériences d’architectures proliférantes, avec des logements innovants en gradins et terrasses et reprend ses recherches sur les appartements modulables à distribution libre. Son activité décline en même temps que se réduit la taille des programmes, conséquence de la récession économique qui suivit la crise pétrolière de 1973, le désengagement de l’Etat sur des programmes innovants, puis la décentralisation. Il aura construit 8 665 logements sociaux, seul ou en association, et plus de 850 logements, collectifs ou individuels, pour la promotion privée.
BERNARD SCHOELLER ET L’AVENTURE DES PISCINES TOURNESOL
Lorsque, le 18 mars 2004, j’ai rencontré Bernard Schoeller dans son agence de la rue Vaneau à Paris, il avait 75 ans et il continuait son activité professionnelle. L’entretien s’est déroulé au milieu des projets et maquettes, dont celle de la piscine Tournesol.
Il intentait alors un procès à la société Baudin-Chateauneuf pour utilisation abusive de ses piscines Tournesol à des fins commerciales : «J’ai mis en procès Baudin-Chateauneuf, sur les piscines. Le procès est en cours, je les accuse de s’être approprié les piscines Tournesol. Qu’ils fassent des rénovations, c’est leur droit, mais quand je vois un site internet « Les piscines Tournesol : Baudin-Chateauneuf », c’est vicelard. »
Pour la construction des piscines Tournesol, Schoeller a rencontré des difficultés pour se garantir auprès des assurances, d’une part pour une conception innovante avec des matériaux et des techniques peu utilisés en architecture, d’autre part pour la multiplicité du modèle : «Le problème ces architectures innovantes, c’était la frilosité des assurances. Moi j’ai eu des problèmes avec la MAF. Le contrat d’architecte, il portait sur une conception de piscine, mais il y avait derrière les travaux. J’avais monté une équipe de trente personnes à l’époque. Pour les piscines Tournesol, le système de coque double peau n’était pas agréé, et la MAF faisait des histoires et ne voulait pas suivre. Je suis allé voir un ami assureur, qui m’a couvert pour les coques plastiques, avec ce qu’on appelait une complémentaire de groupe, c’est-à-dire que l’assurance de l’architecte était rattachée aux assurances des entreprises. Les assureurs disaient « risque répétitifs », ce à quoi je rétorquais « non parce qu’il y a la mise au point, risque sur les prototypes que l’on améliore ». Donc j’ai réussi à m’assurer moyennant une surprime ».
Vincent du Chazaud, le 6 février 2024
Piscine Tournesol aux Lilas (93)
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