BILLET n° 200 – L’AGENCE-ENTREPRISE PERRET EN ALGÉRIE : du béton expérimental (cathédrale d’Oran, 1908) au béton maîtrisé (basilique du Sacré-Cœur d’Alger, 1963). 3/3
Troisième temps, en Algérie après-guerre (1945-1962), avec les architectes Perretistes et le déclin de l’entreprise Perret Frères Algérie.
Après-guerre, l’agence Perret est presque entièrement mobilisée par Le Havre et d’autres chantiers de la reconstruction en Métropole. Un hangar d’entretien pour l’aéroport d’Alger, publié dans la revue Techniques et Architecture de 1947 (1), reste à l’état de projet. Auguste Perret meurt en 1954 et peu après son frère Claude remet l’atelier de la rue Raynouard à Fernand Pouillon, alors dans ses grands chantiers de logements sociaux à Alger (Diar-es-Saada, Diar-el-Mahçoul et Climat de France).
Une filiale, l’entreprise Perret Frères Algérie (PFA), est créée en 1948. Elle est dirigée par l’ingénieur Jacques Minet et Antoine Perret, le fils de Claude. L’entreprise connaît des difficultés financières, la concurrence est féroce, et se pose la question de son maintien en Algérie.
Durant cette période de l’après-guerre, deux courants architecturaux s’imposent en Algérie :
-d’une part les architectes proches de Perret et du « classicisme structurel », Fernand Pouillon (qui enlève le chantier du Vieux-Port de Marseille grâce à Perret), l’algérois Léon Claro (qui en même temps ne cache pas son admiration pour Le Corbusier), des anciens élèves de l’atelier du Palais de bois comme Michel Luyckx, Pierre Forestier, André Ravéreau.
-d’autre part les architectes tenants du Mouvement moderne et proches de Le Corbusier, parmi lesquels des anciens de l’atelier de la rue de Sèvres comme Pierre-André Émery, Jean Bossu et Louis Miquel, et d’autres comme Roland Simounet et Jean de Maisonseul.
Pierre Dalloz, un proche d’Auguste Perret mais également d’Eugène Claudius-Petit, nommé par le maire d’Alger Jacques Chevallier en 1954 pour fonder l’Agence du Plan, tentera de combler le fossé entre ces deux courants pouvant parfois être conflictuels comme lors de la reconstruction d’Orléansville après le séisme de 1954.
Bien que ralentie, l’entreprise Perret Frères Algérie poursuit son activité. Elle remporte des marchés de génie civil (pont du Haut-Sebaou, réservoirs à Touggourt et El-Harrach), ou des chantiers de bâtiments comme le réfectoire du quartier de Vitrolles à Alger (1948) de Michel Luyckx (2), le terminal 2 de la gare maritime d’Alger (1948) d’Urbain Cassan, l’École des Beaux-arts d’Alger (1951-1954) de Léon Claro, ou l’usine de la Société algérienne des automobiles Renault (SADAR) à Alger (1951-1954) de Louis Souchon , (3)
C’est avec l’important et complexe chantier de la basilique du Sacré-Cœur à Alger (1957-1963) des architectes Paul Herbé et Jean Le Couteur, associés à l’ingénieur René Sarger, que se clôt l’aventure de l’agence-entreprise Perret en Algérie. L’entreprise Perret Frères Algérie réalise de façon exemplaire et spectaculaire les coffrages des 20 paraboloïdes hyperboliques. Avec ce dernier chantier en Algérie, l’entreprise Perret démontre sa maîtrise du béton armé dont elle fut un pionnier depuis la cathédrale d’Oran. Avec cette œuvre, elle conclut de façon magistrale son épopée algérienne.
À l’indépendance en 1962, Antoine Perret qui a succédé à la tête de l’entreprise à son père Claude décédé en 1960, ferme l’entreprise Perret Frères Algérie. Toutes les archives ont-elles été rapatriées ? La question reste ouverte…
En conclusion, bilan de l’activité de l’agence-entreprise Perret en Algérie sur six décennies (1902-1962) :
-pour l’agence d’architecture, des programmes parfois d’envergure (théâtre d’Oran en 1902, hangar pour l’aéroport d’Alger en 1947), mais qui restent pour la plupart à l’état de projets.
-pour l’entreprise en revanche, des chantiers importants pour faire valoir sa maîtrise du béton armé, avec des architectes (Ballu, Guiauchain, Claro) qui sont des repères majeurs dans l’histoire de l’architecture du XXème siècle en Algérie.
Vincent du Chazaud, novembre 2024.
1 « Aérodrome d’Alger Maison Blanche, projet de construction d’un hangar d’entretien présenté par A.G Perret, architecte, Entreprise Chaufour-Dumez, L. Courty et L. Hahn, ingénieurs », Techniques et Architecture, 7ème année, n°9-12, 1947, pp. 542 à 544.
2 À propos d’un autre projet de Michel Luyckx, l’hôpital d’Adrar construit en terre (1943-1949), Auguste Perret écrit : «Michel Luyckx a su faire surgir du désert, avec les moyens de son sol, ce vaste édifice si bien adapté aux conditions permanentes de l’architecture, qu’il semble avoir toujours existé. » (L’Architecture d’Aujourd’hui, septembre-octobre 1945, numéro spécial à l’occasion de l’exposition « La France d’Outre-mer dans la guerre »).
3 Louis Souchon est également l’architecte de l’auberge de jeunesse carrefour Polignac (1954-1954) à Alger, avec l’entreprise Perret Frères Algérie.
2 À propos d’un autre projet de Michel Luyckx, l’hôpital d’Adrar construit en terre (1943-1949), Auguste Perret écrit : «Michel Luyckx a su faire surgir du désert, avec les moyens de son sol, ce vaste édifice si bien adapté aux conditions permanentes de l’architecture, qu’il semble avoir toujours existé. » (L’Architecture d’Aujourd’hui, septembre-octobre 1945, numéro spécial à l’occasion de l’exposition « La France d’Outre-mer dans la guerre »).
3 Louis Souchon est également l’architecte de l’auberge de jeunesse carrefour Polignac (1954-1954) à Alger, avec l’entreprise Perret Frères Algérie.
Alger – Basilique du Sacré-Cœur (1957-1963, architectes Jean Le Couteur et Paul Herbé, entreprise Perret Frères Algérie). À gauche en chantier, à droite vue actuelle dans son site.
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