BILLET n°167 – VICTOR HORTA, DIFFUSION  DE L’ARCHITECTURE ART NOUVEAU 

 

L’historiographie retient comme marquant le début de l’Art nouveau en architecture, dans le monde en général et à Bruxelles en particulier, la construction par Victor Horta, entre 1892 et 1893, de l’hôtel d’Émile Tassel, professeur à l’université libre de Bruxelles. Cet hôtel particulier, situé rue Paul-Émile Janson, a été inscrit au patrimoine mondial par l’Unesco en 2000.

Victor Horta rompt avec la disposition traditionnelle de la maison bruxelloise construite sur une parcelle étroite et profonde, avec la cuisine et les pièces de service semi-enterrées, puis un rez-de-chaussée surélevé d’un demi-niveau, le « bel étage », avec deux pièces éclairées l’une sur rue, l’autre sur jardin, difficiles à chauffer, avec au centre une pièce plus chaude mais sombre. Il fait « exploser » cette tradition de maison bourgeoise mitoyenne avec un plan entièrement repensé. L’escalier installé au centre n’est plus dans une cage, mais devient un élément vivant depuis le hall d’entrée jusqu’au « bel étage », le premier étage, celui des réceptions et des pièces de jour. L’escalier construit d’une structure légère, acier et fonte, est inondé de clarté qui se répand dans les pièces alentours, grâce aux puits de lumière zénithaux animés de verres colorés. Cette construction est tout à fait novatrice, par sa disposition intérieure, par son décor, par la distribution des pièces et leurs relations entre elles, par l’apport de la lumière, par les nouveaux matériaux acier et verre, par l’allègement de la structure libérant les cloisonnements, par les nouvelles techniques de chauffage à air pulsé utilisées avec ingéniosité par Horta et bientôt par l’apport de l’électricité dont la distribution pour l’habitation commence à se développer à la fin du 19ème siècle. Ce sont là toutes les prémices d’une autre nouvelle architecture, celle du Mouvement moderne un demi-siècle plus tard.

 

À partir de Bruxelles et de ses communes environnantes, très tôt foyer actif de l’Art nouveau, cet art « neuf » est diffusé à travers l’Europe, notamment en France du fait de la proximité géographique et de la langue commune. Autres diffuseurs du courant Art nouveau, les expositions universelles que Bruxelles accueille de nombreuses fois avant 1914, dont celle de 1897 que l’on considère comme celle à l’apogée de l’Art nouveau avec un million de visiteurs dont l’architecte autrichien Otto Wagner. Les revues d’art vont jouer un rôle important, ainsi que la galerie Bing qui prend en 1895 le nom de « Maison Art nouveau » et expose des artistes belges.  

Siegfried Bing (1838-1905) est un collectionneur et marchand d’art d’origine allemande, arrivé à Paris en 1854 avec son père qui y installe une fabrique de porcelaine. Naturalisé français en 1876,  Siegfried Bing importe des objets de Japon et de Chine et s’intéresse aux productions des ateliers comme ceux de William Morris, initiateur avec John Ruskin du mouvement Arts and Crafts. Prenant conscience du renouveau dans l’art notamment lors d’une visite à Henry Van de Velde à Bruxelles, il transforme en 1895 son hôtel particulier en espace d’exposition qu’il baptise « Maison de l’Art nouveau » à l’origine du nom du mouvement.

À Bruxelles, comme on ne savait comment nommer ce style inédit, l’Art nouveau a pris le nom de « style Congo », en rapport avec l’influent Edmond van Eetvelde, secrétaire d’État de Léopold II chargé de l’administration du Congo et son hôtel particulier construit par Victor Horta.

 

Vincent du Chazaud, le 2 avril 2023   

(extrait arrangé de «L’Art nouveau/5 villas et hôtels particulier », éditions du Moniteur, octobre 2022)

  Hôtel Max Hallet               Hôtel Armand Solvay