ÉCOLE NATIONALE DE MUSIQUE ET DE DANSE DE MONTREUIL (1/3)
A la fin des années 60, le Conservatoire municipal de musique de Montreuil prend de l’importance, et face à ce succès grandissant, se trouve à l’étroit dans ses locaux provisoires de l’école de la rue d’Estienne d’Orves. A cette époque la ville de Montreuil-sous-Bois accueille près de 100 000 habitants, et sa municipalité communiste mène une politique culturelle active.
Le projet d’une construction neuve trouve sa place dans l’opération de rénovation urbaine carrefour de la Croix de Chavaux, menée par la SEMIMO, société d’économie mixte mise en place par la municipalité pour piloter cette opération complexe, et sur laquelle est imposée une réserve foncière pour une composante urbaine à vocation socio-culturelle. La ville de Montreuil avait acquis à l’amiable ces terrains occupés par les anciens Etablissements Berman, le 13 août 1962, puis les avait cédé à la SEMIMO, pour être intégrés au bilan global de la rénovation urbaine, issue des textes de la loi Sudreau de 1958. L’objet de cette dernière était la reconquête des centres-villes avec une subvention d’état permettant la mixité sociale (logements sociaux et autres) et la mixité fonctionnelle (activités, commerces, culture…).
Le projet urbain de la Croix de Chavaux comportait également une percée de l’avenue de la Résistance vers l’autoroute A3, alors en construction.
Posé sur une dalle piétonne, le Conservatoire, qui deviendra en 1972 Ecole Nationale de Musique et de Danse, est un des éléments d’animation du programme de cette rénovation urbaine comprenant six cents logements, un centre commercial, des cinémas, des activités tertiaires, l’Hôtel des postes et le Centre régional des impôts. Cet ensemble s’inscrit dans une opération urbaine élargie appelée « Parmentier », comprenant 300 logements supplémentaires au nord de la rue Parmentier, et reliée par une passerelle piétonne, détruite depuis.
Sur le plan constructif, le bâtiment fait appel à deux techniques nettement affirmées et différenciées: le béton et l’acier.
La structure en béton borde les terrains mitoyens au Nord et à l’Ouest, tandis que la structure et les coques métalliques s’offrent au regard depuis la dalle piétonne, à l’Est et au Sud. Depuis l’avenue de la Résistance, de larges portiques monumentaux ménagés dans le bâtiment longeant l’avenue permettent une percée visuelle sur le Conservatoire, ouvrant l’espace clos de la dalle piétonne sur l’animation des voies publiques.
Dans la partie de conception classique en béton, les locaux sont répartis entre des salles de cours (danse, percussion, art dramatique au sous-sol), un auditorium de 300 places au rez-de-chaussée et différentes salles aux étages (loges, enseignements, enregistrements…).
Dans la partie de conception novatrice, structure métallique irriguée et coques métalliques sont répartis les salles de cours sur trois niveaux, au nombre de cinq par niveaux.
La toiture couvrant l’auditorium est aménagée en terrasse plantée et accessible depuis le hall du 2ème étage.
Aux étages, chaque salle de cour possède un sas de 3 m2, faisant tampon phonique avec les halls. Chacun de ces sas est équipé d’un placard-vestiaire, on y trouve également le groupe de ventilation.
Le choix d’implantation de ce programme, ainsi que le parti architectural retenu participent à l’animation de la place publique: l’ENMD en est l’un des éléments de vie et de décor. La façade réelle est celle qui ferme les halls d’attente des étages; elle n’est perceptible qu’au travers de l’espace laissé libre entre les coques. Les coques ou salles de cours, en suspension dans la structure irriguée, accentuent l’effet de porte-à-faux, de projection au-dessus de l’espace public de la place.
Le journaliste P.P. Reiss a parlé à leur sujet » d’une sorte de casier à bouteilles de gros module » (« Le Conservatoire national de musique, de danse et d’art dramatique de Montreuil », Journal de la construction de la Suisse romande, Lausanne, n°12, 1974, p.60). La transparence existe également au rez-de-chaussée entièrement vitré, traduisant une volonté d’ouverture, invitant le public à participer à la vie de cet équipement municipal.
L’indépendance des coques entre elles assure la qualité d’isolation phonique requise. Les activités même bruyantes du rez-de-chaussée comme celles de la place publique ne perturbent pas l’enseignement dispensé dans les salles de cours, permettant non pas d’éloigner les salles des bruits extérieurs, mais au contraire de les projeter au milieu de la vie du centre, créant un effet de suspension légère dans l’espace.
Vincent du Chazaud, le 6 février 2024
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