Voilà un billet peu ordinaire, ce numéro 40 est un « oublié » de l’année 2010, voilà trois ans déjà… Oscar Niemeyer venait de fêter ses 102 ans. Petit retour en arrière, donc. Evidemment inutile de vous précipiter dans les musées pour aller y voir les expositions citées… Pour les grands artistes, le cycle est d’environ 10 à 20 ans, pour les artistes moyens, comptez environ 30 à 40 ans, pour les autres, inutile d’attendre, ce serait vain, allez dans les différents musées où ils sont exposés…
Je suis allé voir Turner et ses maîtres (titre de l’expo à Londres) au Grand Palais. Pour les bleus « azur » des ciels de Turner avec des architectures blanches et diaphanes, elles me font penser à ces illustrations calendaires des frères de Limbourg pour le duc de Berry, « les très riches heures du duc de Berry » exécutées au XIVème siècle, notamment le mois de « juillet ». Ils utilisaient pour leur bleu un lapis lazuli, très proche du bleu « azur » de Turner.
En quittant le Grand Palais avec ma moto, j’ai remonté toute l’avenue Churchill, passé le pont Alexandre III, et encore toute l’avenue Gallieni jusqu’aux Invalides, sans une voiture, avec une haie de policiers en grande tenue… Je pense que je suis passé au « travers des mailles du filet », et que tout ce protocole était destiné à Medvedev le président russe. Arrivé devant les Invalides, m’attendaient trois énormes hélicoptères, là je me suis dit que vraiment ma place n’était pas ici, et j’ai obliqué à droite où une gendarmette m’a ouvert une barrière de sécurité avec un large sourire… et je me suis soudain trouvé au milieu d’un flot de voitures bloquées, avec des conducteurs énervées… pour un peu je faisais un tour d’hélico gratis avec Medvedev et Sarkozy… quelle compagnie !!!
Par contraste, deux jours plus tard je suis allé voir l’expo Soulages qui se tient (se tenait ?) à Beaubourg. Avec sa théorie du « noir lumineux », je pense que là encore cet acharnement à faire des théories sur n’importe quoi (je pense à « l’oblique » de Claude Parent), c’est affligeant, surtout quand ça occupe 20 ans de sa production « artistique »… Ici tout n’est qu’artifice et effet d’optique, par des lumières dirigées, des zébrures adaptées, des contrastes de mat et de brillant… On est à des années « lumières » des peintures sombres et inspirées de Rembrandt, Huyssdael ou Turner. Non voir Soulages après Turner, ça prête à sourire, ce qu’on a pas manqué de faire en traversant le 5ème étage de Beaubourg comme on traverserait un espace d’exposition de mobilier Conforama tapissé de vinyl noir. Mais que ce bâtiment de Beaubourg est élégant et judicieux. La promenade architecturale chère à Le Corbusier est ici dans cet escalator flanqué sur sa façade, nous permettant tout à la fois de vivre le bâtiment et de comprendre la ville qui l’entoure en nous offrant progressivement un des plus beaux panoramas sur Paris.
Pour en finir une fois pour toutes avec Parent, une lettre de Marc Emry, ancien rédacteur en chef d ‘AA entre 1968 et 1999, parue dans le D’A d’avril 2010[1], vient conforter ce que j’avais écrit dans le billet n°8 sur l’exposition qui s’est tenue à la Cité de l’architecture et du patrimoine[2], à savoir que Parent n’est autre qu’un dandy égocentrique auquel on prête trop d’égard et d’attention.
Est-ce la présence de Rudy Ricciotti comme rédacteur en chef éphémère du dernier Architecture d’Aujourd’hui[3] qui en a amélioré l’intérêt ? Ce dernier n’est pourtant pas avare, lui aussi, en déclarations fracassantes afin de détourner l’attention autant sur lui que sur le sujet qu’il prétend défendre. On y trouve un reportage captivant sur le chantier de l’étonnant bâtiment de Rolex Learning Center de Lausanne livré récemment par l’agence japonaise Sanaa, prix Pritzker 2010. Les ingénieurs et maçons de Bouygues ont accompli des prouesses pour un projet dont bien peu croyait à la possibilité de réalisation au vu des dessins du concours.
L’entrée en matière de ce numéro d’Architecture d’Aujourd’hui avec un texte de Roland Barthes nous rappelle les prétentions intellectuelle de cette nouvelle version de la revue, lancée à grand fracas d’annonces et de cocktails mondains voilà un an. Le philosophe là aussi « enfile des perles » du genre « l’érotisme normal de la ville est l’enseignement que nous pouvons tirer de la nature métaphorique du langage urbain…. ».
L’entretien d’un journaliste de « So foot », magazine pour les intellos fanas de foot (il paraît que ça peut coexister…), avec Oscar Niemeyer délaye des lieux communs sinon de constater que le « vieux » est encore vert pour ses 102 ans…
Pour le 50ème billet, promis j’organiserai un dîner avec mes fidèles lecteurs… une table de six devrait suffire.
(1) D’A-Guide, supplément à D’A n°190 d’avril 2010
(2) Claude Parent, l’œuvre construite, l’œuvre graphique, Cité de l’architecture et du patrimoine (Palais de Chaillot), jusqu’au 2 mai 2010
(3) AA n°377