Discours du Président Patrick JEANDOT
Monsieur le Chef de Cabinet, Monsieur le Directeur de l’Architecture et du Patrimoine, Mesdames et Messieurs les Présidents, Mesdames et Messieurs les Magistrats, Mesdames et Messieurs les Avocats, Mes chères Consœurs, Mes chers Confrères, Je tiens tout d’abord à remercier Mme Christine ALBANEL, Ministre de la Culture et de la Communication, Ministre de tutelle des Architectes, qui a bien voulu nous recevoir dans le Salon des Maréchaux au cœur du Palais Royal. C’est la deuxième année consécutive que nous nous réunissons ici grâce tout particulièrement – je tiens à le signaler – à la disponibilité de Nicole DEMANCHE. Qu’elle en soit remerciée. Je ne referai pas l’histoire architecturale de ce lieu comme c’est de coutume, mon prédécesseur nous en ayant donné tous les grands traits l’année passée. Je voudrais seulement attirer votre attention sur ce que cette histoire peut nous apprendre de notre démarche. Détruit, reconstruit, transformé, restauré plusieurs fois, de Palais Cardinal en Palais Royal, de Palais marchand en Palais des plaisirs, cet espace qui nous accueille ce soir, a connu bien des vicissitudes… dernièrement encore… un incendie. Se sont succédés les constructeurs et les destructeurs ; les arts, le travail et l’industrie, la mollesse et le désordre y ont tenu leurs grandes assises, là se sont heurtés toutes les prodigalités et toutes les misères, des fastes de la régence à la colère révolutionnaire, de la tragédie antique à la spéculation immobilière. Après la Monarchie, la Révolution, la Commune, la République y a élu domicile avec le Conseil d’Etat, le Conseil Constitutionnel, le Ministère de la Culture qui nous accueille, la Comédie Française. Ce Palais est l’expression de la vie, des tumultes et des conflits qui l’agitent et la font prospérer. A travers l’installation des colonnes de Buren, il a même su créer une polémique qui a rebondi, encore dernièrement. Ce palais est un symbole, il incarne notre histoire, notre culture, il s’adapte à notre présent, il nous projette dans le futur. Ainsi va l’architecture. Ancrée dans la tradition, elle doit pouvoir donner toute sa place à la création, à l’innovation. C’est dans un parcours identique que notre Compagnie s’engage, consciente de s’appuyer sur un art, des techniques qui lui viennent des premiers grands bâtisseurs, soucieuse également de tirer profit de la modernité pour progresser. Notre Compagnie qui compte 154 membres dont 6 nommés cette année, a certes pour objet de les représenter auprès des magistrats, mais elle a surtout et avant tout pour priorité de favoriser tout ce qui permettra aux architectes experts de justice d’améliorer leur savoir-faire. Pour cela la vie de la Compagnie s’inscrit dans la continuité et non dans la rupture, dans une continuité qui respecte les acquis dignes de l’être et qui explore de nouvelles voies. C’est pourquoi mon action s’inscrit dans la logique de ce qui a été initié par les anciens présidents, et notamment Patrick Demanche et Jacques Roman avec lesquels j’ai plus particulièrement eu l’occasion de travailler. Elle ne peut se satisfaire d’un statu quo. Nous sommes avant tout des architectes, nous construisons, avec le souci permanent de respecter nos devoirs au regard de notre mission et vis-à-vis des magistrats. Vous le savez, notre Compagnie c’est déjà entre autres :
- Le parrainage des nouveaux experts
- Des ateliers-débats sur des sujets techniques mais aussi juridiques pour améliorer nos connaissances sur les principes directeurs du procès et les règles de procédure,… conférences régulières et gratuites à l’image de l’état d’esprit qui doit présider dans une association et aussi grâce au concours bénévoles de magistrats, d’avocats et d’experts de justice d’autres compagnies
- C’est la certification ISO 9001, pour approfondir notre méthodologie et assurer une gestion plus rigoureuse en particulier en termes de délais et de coûts… sujets particulièrement sensibles… à ce titre, sachez que de nouveaux accords viennent d’être passés avec l’AFNOR afin que les experts certifiés le soient à travers une structure satellite de notre Compagnie qui pourra accueillir des experts de justice qui sans être architectes sont près à nous rejoindre dans cette voie
- C’est la mise à disposition d’outils qui ne demandent qu’à être développés et qui devraient trouver un plus large écho dans le temps
- Sur le modèle de Wikipédia, une encyclopédie en ligne, WIKIARCHEX, qui doit permettre à tous, magistrats, avocats, experts, de trouver les définitions et les exposés des pathologies les plus récurrentes dans le domaine de l’expertise
- Un forum pour débattre
- Des documents modèles à la disposition des nouveaux experts
- Un annuaire des membres de la Compagnie, de leurs disponibilités pour les différentes missions qui pourraient leur être confiées
Vous l’aurez remarqué, magistrats ou avocats sont souvent impliqués dans nos actions et parfois même les destinataires d’applications particulières, comme l’annuaire où figurent les disponibilités des experts et qui a été réalisé à leur intention et en concertation avec eux. Vous pouvez y voir la manifestation de notre volonté de mettre en œuvre et de poursuivre des collaborations enrichissantes et fructueuses pour nous tous. Mais notre Compagnie ce sont aussi de nouveaux projets :
- Ainsi, la dématérialisation de l’expertise qui commence à faire couler… beaucoup d’encre…certes, mais… si au moyen-âge l’unité de temps était l’heure, si après l’avènement de la machine à vapeur au XIXème ce fut la minute, au XXème avec le télégraphe et le téléphone ce fut la seconde, avec le microprocesseur nous sommes passés à la nanoseconde… et à une immédiateté qui n’est d’ailleurs pas sans poser question… car la réflexion demande du temps et du recul pour analyser, assimiler, intégrer, comprendre. Voilà un chantier intéressant pour la Justice que le thème de la vitesse… nous y reviendrons peut-être lors d’un débat.
Mais quoi qu’il en soit nous n’avons pas le choix et ne pouvons pas nous permettre de mener des combats perdus d’avance, à l’image des moines copistes qui se rebellèrent contre l’imprimerie. Revenons à nos projets, parmi lesquels nous pouvons annoncer :
- La mise en ligne d’un progiciel de gestion des expertises pour mieux maîtriser encore les coûts et les délais.
- Les liens et informations mensuelles sur les activités culturelles (histoire de l’art, expositions, conférences, musique, etc), toutes choses qui aiguisent la curiosité intellectuelle.
Ou encore :
- La mutualisation de matériels d’expertise au travers la Compagnie… de sorte que les magistrats soient assurés que les architectes experts disposent des meilleurs outils.
Comme vous le constaterez tout ceci concourt à la formation que dispense notre Compagnie, formation qui se veut complémentaire à celle du Centre de Formation des Compagnies d’Experts près la Cour d’Appel de Paris. Il faut dire que les magistrats offrent à l’expert un privilège au-dessus de tous les autres. Celui d’être libre. Un architecte dont l’activité est de construire, le sait d’autant mieux, lui dont les projets et les constructions ont été maintes fois limitées voire assassinées par différents acteurs de l’acte de construire. A contrario, personne n’interdit à l’expert d’être lui-même, personne ne le limite dans sa démarche intellectuelle. Nous sommes libres et indépendants, ce qui est extrêmement rare. Cette liberté et cette indépendance nous obligent. Elles nous obligent à confirmer auprès des magistrats que les experts de justice sont dignes du crédit et de la totale confiance qui leur sont accordés. La Compagnie peut et doit y contribuer. Le sujet est de professionnaliser l’expertise… et non les experts – dois-je rappeler que ce n’est pas une profession mais une activité annexe – de favoriser des actions partagées… de donner la priorité au FAIRE et non au DIRE, pour mettre l’accent sur une dimension qui est moins évoquée que celles des délais et des coûts, une dimension qui est au-delà du quantifiable et du mesurable, je veux parler de la qualité de la construction intellectuelle d’un rapport. Je crois que si les architectes experts de la CEACAP se rassemblent autour d’un même esprit et démontrent qu’ils savent construire ensemble, ce sera le meilleur atout pour être respectés, entendus, compris et acceptés. Voilà dessiné en quelques mots l’esprit qui préside à la vie de notre Compagnie. Avant de vous inviter à faire connaissance, échanger autour d’un verre, je tiens à souligner les bonnes relations qui nous unissent, magistrats, avocats et experts de justice, collaborateurs occasionnels que nous sommes, qui contribuons à la régulation des conflits entre les membres de la société. Mesdames et Messieurs les Magistrats, les avocats, et les Présidents des autres Compagnies, sachez que les experts architectes de notre Compagnie sont heureux et honorés de vous recevoir ce soir en ces lieux et qu’ils espèrent que vous y passerez un agréable moment. Considérez que cette réception est l’expression de notre reconnaissance et de notre dévouement à votre égard et à l’égard de l’idée que nous nous faisons de la Justice. Au nom de la Compagnie, je vous remercie.