Monsieur le Premier président de la Cour de cassation,
Monsieur le Premier président de la Cour d’appel de Versailles,
Monsieur le Président – Directeur général de la Monnaie de Paris,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames et Messieurs les Magistrats,
Mesdames et Messieurs les Avocats,
Mesdames et Messieurs,
Mes chères consœurs,
Mes chers confrères,
D’aucuns en feront peut-être la remarque. Nous avons quitté les ors, l’onctuosité et le luxe des grands salons de la République, pour un lieu qui au-delà de la magnificence de sa façade et de sa cour d’honneur, peut surprendre par son apparente austérité.
Après le Salon des Maréchaux au cœur du Palais Royal, après l’Hôtel de la Légion d’honneur, après le Sénat, nous voici réunis dans la salle du Grand Monnayage de la Monnaie de Paris.
Je tiens d’ailleurs au nom des membres de la Compagnie à remercier très sincèrement M. Christophe BEAUX, qui dirige la Monnaie de Paris, d’avoir bien voulu accepter de nous y recevoir.
Construit de 1771 à 1775 à l’emplacement de l’ancien Hôtel de CONTI, l’hôtel de la Monnaie est l’œuvre la plus connue de Jacques Denis Antoine, architecte qui contribua aussi à l’édification du Palais de Justice, dont il réalisa notamment le grand escalier à droite de la cour du Mai et la grand’salle des avocats.
Sans aucun doute, à mieux y regarder, cette sobre salle du Grand Monnayage est plus porteuse de sens qu’il n’y paraît, au regard de notre démarche d’experts architectes judiciaires.
Je tiens à vous rassurer, nous ne sommes pas à la Monnaie de Paris pour parler d’argent ou de délais de paiement.
Non. Mais considérez toutefois qu’il existe plus d’un point commun entre ce lieu prestigieux, la philosophie qui est à l’origine de sa conception, l’activité qu’il abrite et la démarche qui est la nôtre.
A commencer par la nature multiple de cet hôtel où cohabitent activité industrielle, métiers d’art, création artistique…
Mais ensuite et surtout, par son adéquation avec les orientations de notre Compagnie. Nous nous attachons en effet à valoriser une pratique qui allie les qualités consubstantielles à l’architecte, en particulier sa capacité à allier technique et créativité, à la rigueur méthodologique. Cette ambition nous a conduit cette année à mener diverses actions et approfondir trois chantiers : la réflexion sur ce qu’est un expert, la certification, et la dématérialisation.
Vous n’êtes pas sans le savoir, la Compagnie a en effet engagé une réflexion sur la qualité de l’expert. Réflexion essentielle alors que chaque année les tribunaux nous demandent notre avis sur les candidatures des postulants. Et quand il ne faudrait pas que l’expert judiciaire soit tenté de se comporter comme un notable… qui a acquis un statut et qui fort de celui-ci se contente de ronronner, déclinant toute voie de remise en question et d’amélioration.
Qu’est-ce qu’un bon expert ? Quelles sont les qualités requises, préalables, les fondamentaux sur lesquels nul ne doit faire l’impasse ?
Rendre la justice c’est facile. Ce qui est difficile c’est de faire ce qui est juste…
Je ne sais plus qui a dit cela mais pour le paraphraser… Rendre un avis d’expert est facile…Ce qui est difficile c’est de dire ce qui est vrai.
Les experts architectes se doivent donc de réfléchir à la méthode. Il y a des règles intangibles, une rigueur absolue tant pour frapper la monnaie que pour élaborer un rapport. C’est d’autant plus important à nos yeux, ainsi que je l’avais rappelé l’an passé en cette même occasion, que l’expert judiciaire bénéficie de la plus totale liberté que ce soit dans la construction de son raisonnement que dans son expression. Si la collectivité – dans le but d’œuvrer pour la justice – nous autorise une liberté quasi totale, sachez que nous sommes conscients que cela nous oblige. La liberté s’accompagne toujours d’obligations.
Nous défendons donc cette idée qu’un expert architecte judiciaire c’est avant tout un architecte…
- diplômé
- expérimenté
- respectueux d’un code déontologique
C’est sur ces bases que nous avons revu nos critères d’évaluation des candidats.
Sans être dupe et sans idolâtrie, sur le diplôme notamment. Car celui-ci n’est que la validation d’un savoir su qui ne saurait se suffire à lui-même.
Georges Bernard Shaw disait : « Un diplôme n’est qu’un certificat de bonnes mœurs remis par un gentleman qui n’a rien compris à ce qu’il enseignait, à un autre gentleman qui a appris à ne rien comprendre ».
Dans les écoles d’architecture, depuis un certain temps déjà, l’architecte qui construit n’est plus un idéal.
L’on assiste à un délitement de la profession. Le sujet n’est plus d’avoir un métier, mais de trouver un travail.
Et l’on peut être diplômé architecte sans avoir jamais étudié la résistance des matériaux ou les méthodes constructives.
Nous autres le savons, c’est pourquoi nous insistons sur l’expérience : elle est capitale, incontournable.
C’est de son activité professionnelle que l’expert se nourrit afin de connaître les évolutions des techniques bien entendu, mais aussi les pratiques au sens large.
Sa fiabilité et sa crédibilité en dépendent…. c’est aussi pour cela que l’expertise judiciaire n’est pas une profession mais une fonction.
La Compagnie est donc très attachée à ce que les experts architectes soient de vrais professionnels engagés ou ayant véritablement été engagés dans l’acte de construire.
Vous le comprenez, notre sujet n’est pas la défense d’une pratique particulière.
Notre sujet est la défense de l’expertise. Et l’on ne peut la satisfaire en étant déconnecté du réel.
Mais nous n’en restons pas là.
Outre la formation permanente que nous procure l’exercice de notre activité professionnelle, nous nous attachons à améliorer notre technique expertale.
Notamment grâce aux actions de la Compagnie en matière de formation et en particulier à la certification.
La Compagnie a été la première, elle est d’ailleurs toujours la seule, à avoir mis en place voilà huit ans, la certification ISO 9001 pour les experts désireux de s’engager dans cette voie, et pas seulement les architectes.
Nous retrouvons le fil rouge qui nous relie à ce lieu. Car c’est une démarche que nous partageons avec la Monnaie de Paris. Je n’oublie pas que nous la partageons également avec certains avocats et aussi avec certains services de la Chancellerie.
Aujourd’hui, nous voulons aller plus loin avec l’AFNOR pour intégrer à l’ISO 9001, les autres systèmes de normalisation expertale, en particulier la NFX 50-110 – pardonnez cette terminologie barbare – norme qui représente une avancée considérable car elle va au-delà du management de l’expertise et aborde les questions liées à la qualité du rapport.
Sachant qu’un avis est une démonstration et non une opinion, nous poursuivons ainsi notre travail sur la mise en place d’une méthodologie.
Nous savons enfin que le recours à des moyens électroniques est inéluctable. Les avancées technologiques n’attendent jamais, elles sont incontournables, voulues d’ailleurs par la Chancellerie.
La Compagnie a donc décidé d’aborder la problématique de la dématérialisation. Nous nous attaquons actuellement à l’élaboration d’un espace collaboratif dématérialisé, le plus simple possible, qui veut être un premier pas vers un espace de partage sécurisé de dossiers numérisés, avec des outils simples d’accès, tout en satisfaisant des exigences d’authenticité, d’intégrité, de traçabilité.
A ce titre nous nous interrogeons sur l’empreinte minimale du consentement, car les parties éprouvent des réticences à recourir à des techniques complexes et onéreuses, comme la signature électronique.
Nous invitons d’ailleurs les magistrats et les avocats à nous donner leurs conseils sur ce sujet.
Nous savons aussi combien nous devons être vigilants, car si la dématérialisation peut être porteuse de progrès (pensons à la dématérialisation de la monnaie), nous avons récemment découvert les tragiques conséquences d’une trop grande virtualisation des échanges où, au final, plus rien n’a de sens ou de valeur, ni un bien immobilier, ni une entreprise, ni même les hommes, conséquence d’une totale déconnexion de la réalité. La dématérialisation aux mains d’experts déconnectés du réel conduirait à une catastrophe.
Vous aurez compris les raisons pour lesquelles la Compagnie souhaite s’appuyer sur des professionnels inscrits dans la réalité de la construction.
Ce qui nous ramène à notre point de départ.
Mesdames et Messieurs, magistrats présents ici ce soir – et notamment les plus éminents qui nous font l’honneur de leurs présences – nous espérons vous avoir donné un aperçu fidèle de notre action et de notre philosophie.
Les fondamentaux de la Compagnie nous guident : fédérer, former, partager… pour satisfaire les concepts d’indépendance, de compétence, d’acquisition des connaissances.
Je ne développerai pas toutes les activités, que nous avons mises en œuvre pour y parvenir… la Compagnie Nationale des experts architectes judiciaires pour laquelle les représentants de notre Compagnie se sont battus sans compter ; le parrainage des nouveaux experts – qui sont cinq cette année – ce qui porte à 151 le nombre d’experts architectes ; la formation parallèlement à celle de l’UCECAP ; les ateliers-débats ; la transmission de l’information au travers notre encyclopédie en ligne ; l’annuaire interactif sur les disponibilités… tous domaines dont l’objet est d’améliorer notre savoir-faire mais aussi notre savoir-être.
Sachez que, bien évidemment, nous avons conscience de nos limites.
Nous sommes des techniciens, nous nous voulons organisés et scientifiques, sans nous laisser aveugler par la certitude de détenir la vérité.
Servir la justice, certes, mais avec humilité.
Ceci étant dit, parce que tout est une question d’équilibre – à l’aune de la justice – la permanence de sérieux n’est nullement souhaitée.
Cette soirée se veut avant tout un moment de convivialité qui concrétise les bonnes relations qui unissent les magistrats, les avocats et les experts – membres de la Compagnie – qui sont heureux et honorés de vous recevoir en ce lieu.
Ils sont d’ailleurs plus de la moitié à être là ce soir, marquant ainsi leur attachement à la qualité de ces relations que nous tissons avec vous.
Au nom de la Compagnie des experts architectes près la cour d’appel de Paris, je vous remercie de votre présence, et vous invite à poursuivre l’échange autour du buffet.
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