Cocktail du 22 mai 2013 organisé aux « ARCHIVES NATIONALES » – Hôtel de Soubise – 60, rue des Francs-Bourgeois à Paris 75003
Monsieur le Chef du département de l’action culturelle et éducative des Archives nationales,
Monsieur le Premier Président de la Cour de cassation,
Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de VERSAILLES,
Monsieur le Président de la Cour Administrative d’appel de PARIS,
Madame la Présidente du tribunal administratif de PARIS,
Mesdames et Messieurs les Présidents,
Mesdames, et Messieurs les Magistrats,
Mesdames, et Messieurs les Avocats,
Mesdames, et Messieurs,
Mes chères consœurs,
Mes chers confrères,
C’est avec plaisir que la Compagnie des experts architectes vous reçoit une nouvelle fois aux Archives Nationales ; dans les appartements de la Princesse de SOUBISE.
Que Madame Aurélie FILIPPETTI – ministre de la Culture et de la Communication, ministre de tutelle des architectes – et Madame Agnès MAGNIEN – Directrice des Archives nationales – en soient remerciées.
Qu’elles en soient remerciées à plus d’un titre.
Bien sûr parce qu’il nous faut un toit pour vous accueillir, mais aussi et surtout parce qu’il nous faut un lieu qui soit porteur de sens, qui s’inscrive dans notre tradition, qui nous plonge au cœur de notre histoire, et qui évoque ce que nous sommes.
C’est pourquoi, comme vous l’aurez remarqué, nous sommes attachés à toujours vous recevoir en des lieux prestigieux – prestigieux non pas parce qu’il y a des ors aux murs et aux plafonds – ce qui relève de la petite histoire, de celle d’un Prince de ROHAN SOUBISE qui tira sa fortune des faveurs que prodigua Louis XIV à sa femme la Princesse de SOUBISE, dont on dit que le cardinal de ROHAN, son fils, ressemblait fort à son roi – mais prestigieux parce qu’ils sont la trace de la grande histoire, de celle qui a su passer des GUISE à l’Empire, sans renier ses fondamentaux.
Aujourd’hui, comme vous le savez, cet hôtel abrite notre mémoire, depuis que Napoléon le destina aux Archives impériales.
Il garde toujours la trace des moments clés de notre histoire, des actes fondateurs, comme l’Ordonnance de Villers-Cotterêts (le plus ancien texte législatif encore en vigueur en France, qui, en 1539, instaurait le français comme langue officielle du droit et de l’administration, afin de faciliter la compréhension des actes de l’administration et de la justice) ; ou encore l’Édit de Nantes ; le Serment du Jeu de Paume ; la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.
Cet hôtel nous invite à regarder vers ceux qui dans le passé ont façonné ce que nous sommes, qui restent dans nos mémoires, non pour eux-mêmes, mais pour des actes qui ont forgé notre culture.
Il est sans doute facile aujourd’hui d’y lire de grands desseins.
Néanmoins, il me plaît à penser que les actes fondateurs qui ont contribué à l’édification d’une France rayonnante ont été perpétrés par des hommes qui défendaient aussi des valeurs supérieures, qui avaient une vision pour l’avenir, et pour bon nombre d’entre eux le sens d’un bien commun à faire fructifier.
Notre présence ici nous incite à nous arrêter sur ces valeurs qui constituent un héritage glorieux.
Ici même, l’an passé, je rappelai qu’en ces lieux, Hôtel de GUISE, quartier général de la « Sainte Union », fut décidée en 1572 la Saint BARTHELEMY, et qu’à la suite de ce traumatisme, la fonction d’expert fut institutionnalisée pour favoriser la paix sociale et maintenir l’unité de l’état, dans un édit du dernier des Valois, Henri III.
Peut-être cet édit est-il conservé ici ?
C’est une longue histoire en effet que celle qui a pétri notre mentalité et renforcé nos fondamentaux qui ont été énoncés, confirmés, affinés jusqu’au code de procédure civile de 1807 qui réserve onze articles à l’expertise. Et encore depuis…
Voilà d’où notre inconscient collectif tient que l’expertise n’est pas un travail, mais une « mission ».
Le serment que nous prêtons n’apparaît-il pas comme une parole donnée à quelque chose qui dépasse notre personne ?
Ce que nous évoquent également ces faits, c’est qu’une civilisation ou une société ou tout groupe humain ne peut fonctionner que s’il est régi par des principes transcendants, des fondements métaphysiques, des mythes aussi, pour asseoir une organisation articulée, et donner à la vie un sens vertical.
C’est en apparence, à l’antipode du monde moderne, désacralisé, où tend à se propager la confusion des genres, le nivellement, la régression progressive de l’autorité, du savoir-faire, le primat du nombre, de la masse, en un mot du quantitatif sur le qualitatif.
Cela nous invite à nous interroger sur nous-mêmes, notre propre rôle, sur ce que nous voulons construire.
C’est une interrogation que je porte dans la ligne des présidents de cette compagnie, mes prédécesseurs.
En un mot ces lieux nous donnent à choisir entre le royaume des honneurs – la face négative et sclérosante de la tradition – et la révolution – un bien grand mot, certes, mais qui ici ne signifie pas subversion ou révolte, mais un mouvement qui s’accomplit en gravitant autour d’un axe, de fondamentaux qui nous empêchent de nous perdre.
Dans un monde qui ne cesse d’évoluer, de s’élargir, la seule solution est d’inventer, d’innover, d’explorer des champs nouveaux. Les solutions sont en nous et non en dehors de nous. Il revient aux organismes professionnels ou aux associations telles que les nôtres d’œuvrer.
Notre Compagnie s’y emploie. Forte de 147 membres – comme une compagnie militaire – elle est en ordre de bataille.
Il faut dire que nous avons la chance d’avoir la taille idéale pour éviter les effets de seuils, c’est-à-dire ni une masse critique trop faible en deçà de laquelle il n’est pas possible d’engager des actions d’envergure, ni une taille trop importante au-delà de laquelle les influx se perdent et sont voués à l’échec.
Notre compagnie est opérative, car elle sait être un lieu de convergence entre la verticalité et la transversalité, la verticalité pour définir la trajectoire, et la transversalité pour satisfaire l’échange, et l’esprit critique.
Ce n’est pas si courant !
Il n’y a pas de réussite sans une telle alliance, à défaut de laquelle l’excès d’horizontalité conduit au futile et à la platitude, et l’excès de verticalité à la rupture entre les hommes.
Je rappellerai brièvement les actions de la Compagnie, puisque l’on me demande – même à la Compagnie – de faire toujours plus court, et plus vite.
Je citerai seulement :
– le tutorat des nouveaux experts ; les cycles de formation ; l’encyclopédie en ligne ; l’annuaire interactif sur les disponibilités ; les documents modèles toujours enrichis ; la nouvelle plate-forme collaborative dématérialisée désormais opérationnelle et partagée par une dizaine d’experts ; la certification qualité.
A ce titre, sachez qu’aujourd’hui la Compagnie est en discussion avec l’AFNOR pour intégrer la Commission de normalisation Expertise qui vient d’être créée, et qui vise à définir l’expertise européenne.
Il faut dire que notre Compagnie travaille sur ces sujets depuis dix ans désormais, et qu’une vingtaine d’experts viennent de se rassembler pour réfléchir aux exigences et à la mise en œuvre de la norme NFX 50-110, qui aborde les questions liées à la méthodologie, à la qualité.
Tous ces chantiers nous préparent à l’expertise de demain, et à l’expertise universelle, pour reprendre des thèmes développés par des présidents de Cours.
Et parce que l’expert ne joue pas aux dés, ce sur quoi aujourd’hui on doit travailler avec le plus d’âpreté, c’est sur la méthodologie qui préside à l’élaboration du rapport.
Certes l’indépendance, l’impartialité, la déontologie sont des vecteurs essentiels, qui font les gros titres d’ailleurs, mais la méthodologie me semble tout aussi essentielle, fondamentale, pour éviter l’erreur faite de bonne foi, avec les meilleurs sentiments du monde.
Car si les questions d’astrophysique sont essentielles pour le physicien, les dégâts des eaux le sont tout autant aux yeux du justiciable, et il n’y a aucune raison pour ne pas les traiter avec la même exigence intellectuelle.
De même que l’architecte construit un mur, dans le respect des règles de l’art, l’expert construit une démonstration.
Que ce soit des pierres qu’il faille sélectionner, trier, assembler, appareiller, l’expert sait qu’il lui faudra faire de même avec des faits, des chronologies historiques, des constats, qu’il lui faudra fonder sa construction, l’étayer, assembler les mots et les mettre en musique, pour mieux faire partager son raisonnement.
Bien entendu, construire un mur en pierre demande du temps, et je sais que le monde contemporain qui connaît le prix de tout et la valeur de peu de choses, pourra considérer qu’un mur en parpaings c’est moins cher, et plus rapide à construire.
Mais la méthodologie pourra aussi permettre de réduire les délais et les coûts.
L’important me semble-t-il est que nous nous attachions toujours et encore à valoriser une pratique qui allie les qualités consubstantielles à l’architecte – sa capacité à allier technique et créativité – à une méthodologie qui toujours et encore doit être remise en question.
Comme vous pouvez le constater la Compagnie reste fidèle aux principes qui la guident : fédérer, former, partager… pour satisfaire les concepts d’indépendance, d’acquisition des connaissances, et de compétence.
Mais une compagnie c’est aussi la convivialité, le partage, qui se traduit par cette cérémonie, que je remercie Nicole DEMANCHE et Jean-Pierre BLANCARD de LERY d’avoir organisée.
Car au-delà d’une saine volonté d’entretenir nos bonnes relations dans le cadre de nos missions, il est aussi important de pouvoir simplement avoir du plaisir à nous retrouver.
Mesdames et messieurs les magistrats, en l’honneur desquels les experts de notre Compagnie organisent cette manifestation, il est temps, je crois, de vous inviter à partager maintenant un temps de rencontre et d’échange, qui je l’espère sera agréable à tous, que ce soit au buffet, ou dans les Grands Dépôts que certains magistrats ont souhaité visiter. Nicole DEMANCHE les y guidera.
Je vous remercie.