le mot, venant du latin MISSIO.
Les missions judiciaires doivent être spécifiques, adaptées aux litiges (constat ou consultation, expertise).
Un expert judiciaire peut être défini comme un collaborateur occasionnel du service public de la justice pendant le temps de l’exécution de sa mission.
Ce n’est pas à proprement parler un auxiliaire de justice comme le sont par exemple les avocats. Mais c’est un « auxiliaire du juge ».
La plupart du temps, il s’agit d’une fonction exercée à titre accessoire par une personne physique inscrite sur liste de Cours d’Appels.
Il faut savoir que le Juge, en matière civile, demeure libre de désigner toute personne de son choix pour conduire une mesure d’instruction et notamment l’expertise.
L’expertise se définit comme une mesure d’instruction nécessitant des investigations poussées dans des domaines complexes et techniques non nécessairement connus du magistrat qui traite l’affaire.
Les articles 144 et 145 du CPC prévoient que l’expertise peut être ordonnée « dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer » ou « lorsqu’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution du litige ». L’expertise judiciaire résulte donc d’une Décision de justice.
Suite donc à une assignation (T.I. T.G.I.) ou à une requête (T.A) diligentée par une partie, le Tribunal concerné va nommer un expert judiciaire avec une mission précise et explicitée dans une ordonnance rendue par le dit Tribunal (toute mission pouvant être aussi donnée suite à un jugement).
Après avoir accepté sa mission, l’expert, et dès avoir reçu la confirmation que la provision prévue dans l’ordonnance a bien été consignée, va commencer ses opérations d’expertise.
C’est le juge qui fixe souverainement le contenu de la mission d’expertise. Elle ne peut porter que sur des questions d’ordre technique. Il n’appartient pas à l’expert de dire le droit, prérogative qui appartient au seul Tribunal. L’expert ne peut porter des appréciations d’ordre juridique. En effet, l’article 238 du CPC dispose que « le technicien doit donner son avis sur les points pour l'examen desquels il a été commis. Il ne peut répondre à d'autres questions, sauf accord écrit des parties. Il ne doit jamais porter d'appréciations d'ordre juridique ».
Par exemple, il devra éviter d’exprimer une opinion sur la valeur juridique d’un contrat ou de porter une appréciation juridique sur un fait juridique.
Ce principe peut toutefois être délicat à apprécier. Ainsi, dans le domaine de la responsabilité, l’expert ne devra pas, lui-même, déterminer les responsabilités des parties.
En revanche, si sa mission le prévoit, il pourra fournir tous les éléments de nature à lui permettre de déterminer la responsabilité des intervenants.
Dans le libellé de la mission, l’expert doit répondre à tous les points de la mission et à eux seuls. Il ne peut se faire juge de la pertinence de la mission qui lui est assignée, ni de sa rédaction. En effet, à la suite, et dans le déroulement de l’expertise, l’expert n’aura de cesse de se rappeler « qu’il ne dit pas le droit ». Et qu’en tant qu’auxiliaire de justice, et dans le seul cadre de ses compétences et spécialités, il doit se contenter de donner toutes les explications et précisions demandées dans les articles de sa mission pour permettre à la juridiction compétente de statuer sur le dossier de l’affaire présentée.
De plus, il se doit de respecter et faire respecter les règles de « bienséance » et de procédure tout en étant toujours à l’écoute des demandes formulées par les parties et leurs conseils.
En effet, selon l’article 237 du CPC, « le technicien commis doit accomplir sa mission avec conscience, objectivité et impartialité ».
Les éléments soumis à l’appréciation du juge peuvent avoir été insuffisants pour rédiger de façon optimale les contours de la mission d’expertise.
Certes, le contenu de la mission n’est pas figé. Le juge qui a nommé ou le juge chargé du contrôle des missions d’expertise peut accroître ou restreindre la mission d’expertise. En effet, l’article 236 du CPC « Le juge qui a commis le technicien ou le juge chargé du contrôle peut accroître ou restreindre la mission confiée au technicien ».
Il existe deux possibilités d’extension de mission d’expertise :
1. La convocation des parties
L’expert va commencer ses opérations d’expertise en convoquant les parties concernées par LR avec AR, à une première réunion d’expertise.
Au cours de cette 1ère réunion d’expertise, il va lire tous les articles de la mission qui lui a été confiée et précisée dans l’ordonnance reçue et dans l’assignation et documents qui y étaient joints, en précisant bien qu’il n’officiera que dans le seul cadre de ces articles sauf si extension de mission qui pourrait s’avérer nécessaire à la suite.
Il va également prévoir un calendrier précis pour le déroulement des opérations d’expertise pour respecter les délais qui lui ont été impartis. En effet, il est de bon aloi que les dates de réunion soient fixées en accord avec les conseils des parties.
Cette première réunion d’expertise est particulièrement importante car elle précise bien « la règle du jeu » pour éviter tous dérapages.
En effet, le respect du principe du contradictoire de l’expertise est essentiel. A la suite, et dans le déroulement de l’expertise, l’expert n’aura de cesse de respecter et faire respecter le principe fondamental du « contradictoire ».
Ce principe s’applique aussi bien à la présence des parties à l’expertise, qu’à la communication des pièces.
2. Concernant la communication des pièces
La 1ère préoccupation de l’expert, dès qu’il aura été avisé du dépôt de la consignation, sera d’entrer en possession des pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission. Pour cela, il se tournera naturellement vers les conseils des parties.
Cette communication des pièces se fait de façon spontanée et de différentes façons :
L’article 243 du CPC dispose que « le technicien peut demander communication de tous documents aux parties et aux tiers, sauf au juge à l'ordonner en cas de difficulté » et l’article 275 alinéa 1 du CPC que « les parties doivent remettre sans délai à l'expert tous les documents que celui-ci estime nécessaires à l'accomplissement de sa mission ».
Le plus fréquemment, les conseils font parvenir la totalité de leur dossier de plaidoirie. Attitude généreuse certes, mais pas toujours très productive pour l’avancement de l’expertise qui, nécessairement, porte sur des aspects ponctuels et particuliers assez éloignés des particularités procédurales.
Bien évidemment, il est souvent utile pour l’expert de comprendre la procédure en cours et d’y restituer sa mission. Toutefois, cela peut être d’un intérêt très inégal pour sa mission et il lui appartiendra donc de dresser la liste des documents et pièces qu’il souhaite consulter.
Cet inventaire des pièces à consulter se fait, en général, à l’issue de la 1ère réunion d’expertise. Il est d’ailleurs pratique de faire figurer cette liste dans un compte-rendu de réunion diffusé ensuite aux parties et/ou à leur conseil.
Mais, il peut arriver que la communication des pièces ne soit pas spontanée, ni fournie dans un délai raisonnable. Or, en principe selon l’article 11 du CPC « les parties sont tenues d’assurer leur concours aux mesures d’instruction, sauf au juge de tirer toute conséquence d’un refus ou d’une abstention ». Ainsi, il va sans dire, qu’il peut arriver qu’une ou des parties ne manifestent guère d’empressement à répondre aux sollicitations de l’expert. En pratique, l’expert confronté à une telle difficulté peut demander assistance au juge chargé du contrôle des expertises. En effet, l’article 275 du CPC alinéa 2 dispose qu’« en cas de carence des parties, l'expert en informe le juge qui peut ordonner la production des documents, s'il y a lieu sous astreinte, ou bien, le cas échéant, l'autoriser à passer outre ou à déposer son rapport en l'état. La juridiction de jugement peut tirer toute conséquence de droit du défaut de communication des documents à l'expert ».
3. Le respect du principe du contradictoire
Le respect de ce principe suppose que toutes les pièces remises par une partie à l’expert soient connues de l’autre partie et que cette dernière puisse les contester ou les contredire ou en donner sa propre interprétation.
Tout au long des opérations d’expertise, l’expert judiciaire doit veiller à la bonne application de ce principe. Il est aidé, en cela, par les avocats, qui habituellement le mettent en application de façon systématique en mettant leur confrère en copie de tous les documents et dires produits.
Le respect de ce principe implique également que des délais raisonnables soient accordés aux parties pour exprimer leur point de vue ou développer leur argumentation.
En effet, les parties doivent pouvoir bénéficier de la possibilité effective de faire valoir leur point de vue.
4. Le principe de l’exécution personnelle
Ce principe découle de l’article 233 du CPC qui prévoit que « le technicien, investi de ses pouvoirs par le juge en raison de sa qualification, doit remplir personnellement la mission qui lui est confiée ».
Ceci exclut donc toute forme de sous-traitance.
Le non respect de ce principe de l’exécution personnelle est sanctionné par la jurisprudence par la nullité du rapport rendu par l’expert.
5. Informer le juge de l’avancement des opérations d’expertise
D’après l’article 273 du CPC, « l'expert doit informer le juge de l'avancement de ses opérations et des diligences par lui accomplies ».
6. Assistance dans la mission de l’expert
L’expert judiciaire peut être conduit à recueillir l’avis d’un technicien, appelé « sapiteur », sur un aspect particulier de sa mission pour lequel il n’a pas de compétence technique. En effet, l’article 278-1 du CPC « L'expert peut se faire assister dans l'accomplissement de sa mission par la personne de son choix qui intervient sous son contrôle et sa responsabilité ». Mais, l’article 278 du CPC précise que « l'expert peut prendre l'initiative de recueillir l'avis d'un autre technicien, mais seulement dans une spécialité distincte de la sienne ».
En principe, il s’agit d’une initiative de l’expert. Toutefois, il peut être utile d’en informer préalablement le juge chargé du contrôle des expertises et de le faire en concertation avec les conseils.
Il faut préciser que, même si un sapiteur est désigné, l’expert judiciaire conserve la totale responsabilité de la bonne marche de l’expertise.
Le dépôt du rapport par l’expert à la juridiction qui l’a nommé constitue l’aboutissement naturel de la mission d’expertise.
1. Le rapport de l’expert judiciaire
A la suite de ses différentes constations, l’expert doit déposer au Greffe de la juridiction qui a procédé à sa désignation un rapport d’expertise en double exemplaire si demandé.
Il doit être clair et lisible. Il peut contenir des termes techniques dans la mesure où ils sont expliqués et rendus compréhensibles par un magistrat. Et, il doit être rédigé sue un mode affirmatif. Il est demandé à l’expert d’exprimer une opinion et non pas seulement des hypothèse en répondant aux questions qui lui ont été posées et seulement à celles-ci, tout en tenant compte des observations utiles des parties.
2. L’avis de l’expert
L’avis de l’expert ne lie pas le juge et celui-ci reste maître de l’appréciation au fond. En effet, d’après l’article 246 du CPC, « le juge n'est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien ».
L’expertise est néanmoins le lieu de l’affrontement judiciaire préalablement à la phase de jugement.